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S’habituer à l’inhabituel

À l’orée d’une 6e journée en mer, la situation reste toujours aussi incroyable. Alors que Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) continue de faire cavalier seul, les poursuivants du groupe du Sud, à 600 milles de là, ont enfin changé de système météo et s’apprêtent à contourner les Açores. Un troisième groupe particulièrement rapide ces dernières heures pointe vers le Nord comme le leader. État des lieux d’une course décidément pas comme les autres.

Sam Davies à bord d'Initiatives Coeur
Sam Davies à bord d'Initiatives Coeur
© Jean-Louis Carli

Il y a certains aspects qui ne changent pas et cette New York Vendée - Les Sables d’Olonne le rappelle avec force : il n'y a jamais de certitude quand on se mesure au large et à ses aléas. Tous les marins font sienne la citation de Platon : "je ne sais qu’une seule chose, c’est que je ne sais rien". Les skippers et les suiveurs ont donc une transat pour y plancher. Et à quelques semaines du bac, l’étude de la cartographie offre quelques pistes de réflexion.

« Forcément qu’on est un peu frustré parce que rien ne s’est passé comme prévu, reconnaît Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e). Mais c'est un peu la magie de la course au large, ça nous rapproche d’un rythme semblable à celui du Vendée Globe ». « Nous avons eu un peu plus d’incertitudes que d’habitude, ça nous a obligé à réfléchir différemment », poursuit Yoann Richomme (Paprec Arkea, 9e). Violette Dorange (DeVenir, 11e), elle, préfère jouer la carte de l’optimisme : « c’est hyper intéressant niveau météo, il y a du vrai match dans les trois paquets, ça va être intéressant de voir comme ça va se dénouer ! »

Dalin allonge la foulée 

En ce mercredi matin donc, les forces en présence globales restent figées entre ces trois « paquets ». D’un côté, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) creuse l’écart au Nord et Boris Herrmann (Malizia- Seaexplorer) continue son grand tour par le Nord. « Ce sont les seuls à avoir traversé le front, ils ont réussi ce qu’on voulait tous réussir, confie Yoann Richomme. Charlie a une route beaucoup plus tranquille. Ça parait difficile de le rattraper, il pourrait arriver deux à trois jours devant nous ! » Hubert Lemonnier, directeur de course, assure que Boris « a du vent léger toute la journée et la nuit » alors que Charlie progresse « sur un long bord de près vers le Cap Finisterre ». Il estime pour l’instant son arrivée aux alentours de « dimanche prochain vers 13 heures ». 

À près de 600 milles plus au Sud pointe le plus gros des troupes, le groupe des Sudistes. Ils sont 14 à chercher une porte de sortie en s’apprêtant à contourner les Açores. « Après trois jours de portant, on va approcher d’une dépression, ça s’accélère, il faut bien se positionner pour la passer, expliquait Samantha Davies hier soir. Elle n’est plus stationnaire et s’évacue vers l’Est, on va pouvoir vite s’en échapper ». « Normalement, on est sorti d’affaire, on vient de changer de système météo, précisait Yoann Richomme un peu plus tard. On est parti pour un reaching rapide sous les Açores avant de bifurquer au près jusqu’aux Sables d’Olonne ». 

Au sein même de ce groupe, dont les membres sont distants de plus de 350 milles, les options divergent et certains, dont Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e) et Benjamin Dutreux (Guyot Environnement - Water Family, 17e) s’apprêtent à contourner les Açores par le Nord. « Ce n’est pas impossible qu’ils dépassent cette zone de protection de la biodiversité par le Nord, précise Hubert. La route est plus courte mais s’annonce plus serrée ». 

Un groupe sur les traces de Charlie 

Enfin, un troisième groupe occupe une position plutôt médiane entre Charlie Dalin et les Sudistes. Dans ce groupe mené par James Harayda (Gentoo Sailing Team) et Violette Dorange (DeVenir), ils sont 12 skippers dont une grande partie de bateaux à dérives droites. « Le choix qui s’imposait récemment, c’était de savoir s’il faut suivre plutôt Boris ou Charlie, explique Violette. L’option nord permet de gagner deux jours sur les routages mais semble très risqué. La route médiane, celle de Charlie, s’impose plus comme le choix de la raison, la route la plus safe ». 

C’est ce qui explique que la jeune navigatrice, James et les autres pointent leurs étraves en direction de MACIF Santé Prévoyance qui évolue néanmoins à plus de 400 milles dans leur Nord-Est. Et ça fuse : c’est dans ce groupe qu’ont été constatées les plus importantes progressions sur 24 heures. Manuel Cousin (Coup de Pouce, 20e), situé au Nord du groupe, a parcouru 370 milles et Oliver Heer (Oliver Heer Racing, 25e) 325 milles ! « Ce sont de belles moyennes pour des bateaux à dérives droites », rappelle Hubert. À noter également que deux skippers ont effectué des pénalités hier : Scott Shawyer (Be Water Positive, 18e) pour rupture de plomb moteur et Louis Burton (Bureau Vallée, 14e) pour avoir envoyé sa trajectoire de départ en retard. 

Quoi qu’il en soit, dans les mots des skippers ces dernières heures, il y a l’idée latente que cette situation si inhabituelle et plus longue que prévue a du bon. Elle permet de tester les jeux de voile, de faire preuve d’audace, de prendre le temps de peaufiner ses réglages, de réfléchir à la gestion d’un effort long en course. Violette Dorange confie son bonheur « d’avoir réussi à mettre le spi en solo en course », Yoann Richomme reconnaît échanger parfois avec des amis sur WhatsApp et suivre l’évolution des scores de Roland-Garros alors que Samantha Davies a savouré ses deux derniers jours. « Bateau rangé, voiles réglées, batterie en train de charger… C’est le kiff ici », écrivait-elle hier après-midi. Pourvu que ça dure ! 


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